Journée Internationale de la femme : voilà pourquoi je ne fêterai pas le 8 mars

Il y a celles qui, le 8 mars, Journée internationale des femmes, vont chez la coiffeuse, se peinturlurent le visage de maquillage et s’aspergent d’eau de toilette. Par Celia Ouabri

À midi sonnante, elles s’échappent guillerettes de leurs entreprises, une rose en plastique à la main, cadeau accordé par leur patron en même temps qu’une demi-journée de liberté. À la pizzeria du coin, elles vont déguster une Napolitaine et siroter un soda avec leurs copines, reines du jour. Les fleuristes et restaurateurs se frottent les mains en entendant la douce mélodie de leur caisse enregistreuse.

Ils reluquent ces ‘poules’ mises sur leur 31 et, d’un air condescendant, marmonneront quelque chose comme « Ces gourdasses sont contentes. On leur accorde une demi-journée pour festoyer, mais dès demain retour dans leur crypte. Piiii, qu’est-ce qu’elles sont naïves, quand même ! ».

La journée de l’arbre, quelqu’un en parle ?

C’est pour toutes ces raisons que de nombreuses femmes refusent de fêter cette journée. C’est le cas de Nadia (52 ans, cheffe d’entreprise).

« Je ne libère pas le personnel féminin ce jour-là, car pour moi, cela signifie les réduire à de simples pintades qui, quelques heures durant, se sentent libres et heureuses. Ce serait comme célébrer la journée de l’arbre ou celle de la météorologie. Cela sous-entend qu’on accorde aux femmes une journée pour s’amuser et se faire belles. Le 8 mars, c’est juste une date pour se souvenir que la lutte des femmes continue. Les Algériennes ont besoin de respect, de dignité et d’égalité. Des valeurs dont elles sont souvent privées dans la rue, dans leur entreprise et parfois même dans leur foyer », insiste-t-elle.

Une journée de lutte pour les droits des femmes             

Écouter Julien Clerc brailler ‘Femme, je vous aime’ sur les ondes des radios toute la sainte journée du 8 mars n’est pas non plus la tasse de thé de Malika (59 ans). « D’abord, cette journée a été obtenue de haute lutte féministe sous d’autres cieux », dit-elle. « Du point de vue historique, le ‘National Woman’s Day’ s’est inscrit pour la première fois dans les agendas en 1909 à l’appel du Parti socialiste d’Amérique.

Un an plus tard, le 8 mars 1910, à Copenhague, une Confédération internationale des femmes socialistes regroupant plusieurs pays a désigné cette date comme étant celle de revendications pour le droit de vote des femmes. Réduire cette journée symbolisant la lutte contre les inégalités avec les hommes à une date d’amusement est un leurre. J’observe que les Algériennes ont reculé sur le plan des revendications. Le Code de la famille qui désavantage la femme par rapport à l’homme n’a pas bougé d’un iota, par exemple. Sourire benoîtement en recevant une rose le 8 mars est vraiment réducteur, à mon sens. »

Pour Samira (49 ans, enseignante), la femme algérienne a beaucoup perdu de sa liberté dans l’espace public.

« Les hommes se comportent toujours comme des prédateurs. Les femmes sont souvent harcelées sur leur lieu de travail. Elles n’osent pas dénoncer ces agissements machistes de peur de perdre leur emploi. Dans la rue, elles ne sont pas toujours respectées. On ne leur concède aucune liberté. Même au volant de leur voiture, elles sont embêtées, importunées par les automobilistes et parfois même par les agents de l’ordre censés représenter la loi, notamment si elles conduisent de nuit. C’est une expérience que j’ai moi-même vécue, et je le déplore grandement ».

Ne me dites surtout pas ‘Bonne fête !’

Pas besoin d’être féministe pour comprendre que cette date est assimilée à une célébration superficielle de quelques miettes de pseudo-liberté accordées par les hommes.

« Je vois rouge lorsque quelqu’un me balance ‘Bonne fête’ à l’occasion du 8 mars », s’insurge Zahra (44 ans, commerciale).

Tous ces gars, dos calés aux murs, gobelet entre les doigts, lorgnant ces essaims de femmes parées de leurs plus beaux atours l’après-midi du 8 mars, me dégoûtent en réalité. Cette journée est une date de revendications de nos droits et rien d’autre, à mon sens. Regardez, même en politique, la parité homme-femme n’est pas respectée. Pourtant, quand on se replonge dans notre glorieuse révolution, les Algériennes étaient au maquis, aux côtés de leurs compagnons d’armes ! ».

Un rose, un coffret de produits cosmétiques offert par son entreprise le 8 mars. L’indifférence, le mépris, ‘la hogra’ pendant 365 jours versus un après-midi d’ersatz ! What else ? Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant de devenir de vraies ‘Reines’.