Lire Palestinien : le top 10 des livres d’autrices et d’auteurs palestiniens

Depuis maintenant plus de six mois, la population de la bande de Gaza se trouve au milieu du champ de l’horreur. Par Reslane Lounici

Le nombre effarant des victimes ne cesse d’augmenter, et chaque humain normalement constitué se retrouve impuissant face à la catastrophe qui se déroule sous nos yeux. Dans cette situation, le mieux que l’on puisse faire, c’est de donner voix à ces sans-voix, et quoi de mieux que la littérature pour ce faire ?

Nous vous proposons ici une liste non exhaustive de romans d’autrices et d’auteurs palestiniens qui, malgré les difficultés, résistent par leurs plumes.

1- Adania Shibli ‘’Un détail mineur’’

À partir d’une intrigue révélée par la presse israélienne en 2003, émerge ce roman captivant qui plonge dans les méandres d’un crime brutal : le viol et le meurtre d’une jeune bédouine du Néguev en 1949.

Dépassant les frontières du conflit israélo-palestinien, l’œuvre offre une critique acerbe sur l’utilisation du viol comme arme de guerre et explore de manière subtile les intrications complexes entre la mémoire collective et l’oubli.

2- Karim Kattan ‘’Le palais des deux collines’’

Faysal, un Palestinien trentenaire qui a passé la majeure partie de sa vie à l’étranger, retourne à Jabalayn, son village natal, à la suite d’un étrange quiproquo. Il se retrouve dans le Palais des deux collines, maison abandonnée de sa famille bourgeoise décimée. Là, il va devoir se confronter au fantôme de sa grand-mère, ainsi qu’aux secrets de sa famille et à son propre passé.

Au même moment, les colons israéliens de Cisjordanie entament une conquête sauvage de ce qui reste de la Palestine. Faysal se voit cloîtré dans le Palais, son esprit bascule de plus en plus hors de la réalité. Un récit qui commence sous forme de confession puis se déploie à la croisée du réalisme magique, du récit historique, de la science-fiction, et du testament.

3- Jabra Ibrahim Jabra ‘’Le premier puits’’

L’une des plus grandes voix de la littérature arabe, le Palestinien Jabra Ibrahim Jabra, fait dans Le Premier Puits le récit de son enfance à Bethléem dans les années vingt. Issu d’une famille pauvre de la communauté chrétienne orthodoxe, il raconte sa découverte émerveillée de l’école et des livres, les maisons aux toits de tôle, les jeux de l’enfance. C’est un monde émouvant, emporté depuis par l’Histoire, qui habite ces pages depuis par l’Histoire, qui habite ces pages dont la lointaine musique nous parvient encore.

4- Mohammed Al-Asaad ‘’Mémoires d’un village palestinien disparu’’

« Nous sommes seuls de manière accablante. S’il n’y avait pas eu ces fouilles pleines de pièges, en particulier celui de la Torah qui tisse son histoire sur les abords de notre pays ? ».

En 1948, à l’âge de quatre ans, Mohammed Al-Asaad assiste à la Naqba qui arrache des milliers de Palestiniens à leur terre. Publié en arabe quarante-deux ans plus tard sous le titre Les Enfants de la rosée, ce récit mêle souvenirs d’enfance, témoignages et contes allégoriques qui évoquent l’histoire d’un peuple successivement soumis aux dominations ottomane, britannique et aujourd’hui israélienne.

Mais ce que Mohammed Al-Asaad, l’un des plus grands poètes palestiniens, met en cause, c’est la disparition de toute trace qui prouverait l’appartenance de son peuple à cette terre. Cette histoire condamnée – villages effacés ou rayés des cartes -, il revient à la mémoire de lui redonner vie. Procédant à une rigoureuse reconstitution historique des spoliations auxquelles s’est livré l’État d’Israël, Joseph Algazy dresse un réquisitoire sans appel contre une politique discriminatoire qui empêche, aujourd’hui plus que jamais, de « discerner la moindre lueur au bout du tunnel ».

5- Suzanne El Kenz ‘’De glace et de feu’’

Une femme (tantôt « elle », tantôt « je » ; tantôt Hind, tantôt Mathilde) est couchée sur son lit d’hôpital : mourante, entre délire et lucidité, elle fait le point sur sa vie, son identité éclatée, ses origines (elle est née en Palestine), et ne rêve que de « s’évader vers les glaciers ».

Un homme, Lamour, épris du mystère qui entoure cette femme, fasciné par son altérité radicale, lui rend visite chaque jour. Il essaie de la consoler, maladroitement, avec ses poèmes et ses cadeaux.

Ce texte à la beauté insolite explore des thèmes aussi essentiels que l’amour, le corps malade, l’êtrefemme, la relation à Dieu, l’exil, mais aussi et surtout, celui du rapport à l’autre – si proche, si inaccessible.

Suzanne el Kenz signe là un roman d’une rare intensité. Sombre et implacable, il n’en est pas moins un extraordinaire hymne à la vie, le salut passant par le langage. L’auteure y invente bel et bien sa propre langue, où d’autres langues remuent. Habitée, fantasque et indocile, telle est son écriture.

6- Susan Abulhawa ‘’Le bleu entre le ciel et la mer’’

1947. La famille Baraka vit à Beit Daras, village paisible de Palestine entouré d’oliveraies. Nazmiyeh, la fille aînée, s’occupe de leur mère, une veuve sujette à d’étranges crises de démence, tandis que son frère Mamdouh s’occupe des abeilles du village. Mariam, leur jeune sœur aux magnifiques yeux vairons, passe ses journées à écrire en compagnie de son ami imaginaire. Lorsque les troupes israéliennes se regroupent aux abords du village, Beit Daras est mis à feu et à sang, et la famille doit prendre la route, au milieu de la fumée et des cendres, pour rejoindre Gaza et tenter de se reconstruire dans l’exil. Seize ans plus tard, Nur, la petite-fille de Mamdouh, s’est installée aux États-Unis.

Tombée amoureuse d’un médecin qui travaille en Palestine, elle décide de l’y suivre. Un voyage au cours duquel elle découvrira que les liens du sang résistent à toutes les séparations – même la mort. Le Bleu entre le ciel et la mer est une histoire de femmes, de déracinement, de séparation et d’amour. Avec ce conte d’une beauté bouleversante, empreint d’humanité à l’état pur, Susan Abulhawa montre l’histoire de la Palestine sous un nouveau jour.

7- Sumaya Farhat-Naser ‘’Le cri des oliviers : une Palestinienne en lutte pour la paix‘’

Née en 1948 dans un village proche de Ramallah au sein d’une famille traditionnelle, Sumaya Farhat-Naser refus d’être mariée à 14 ans selon la coutume. Sa scolarité terminée, elle poursuit ses études en Allemagne. Confrontée à l’histoire germano-juive, elle découvre la réalité des victimes de l’holocauste et de l’antisémistisme. Dans le même temps, elle prend conscience de son identité palestinienne et de l’ignorance entourant l’histoire de son propre peuple. Cette double expérience la marque profondément. De retour dans ce qui est devenu les territoires occupés, l’auteure, qui enseigne à l’Université de Bir Zeit, s’engage dans un travail pour la paix avec des femmes israéliennes et palestiniennes. Ce livre raconte la difficile approche de ces femmes qui apprennent à se connaître, à surmonter la méfiance et les malentendus, et peu à peu, alors que de part et d’autre la situation se tend, osent se parler franchement.

8- Mahmoud Darwich ‘’Anthologie 1992-2005’’

Cette anthologie bilingue retrace l’itinéraire poétique de Mahmoud Darwich depuis le début des années 1990. Elle regroupe des poèmes extraits de sept recueils dont chacun a été considéré à sa sortie comme une oeuvre majeure, un important jalon dans l’histoire de la poésie arabe contemporaine : Onze astres, Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ? Le Lit de l’étrangère, Murale, État de siège, Ne t’excuse pas et Comme des fleurs d’amandier ou plus loin.

Mêlant l’individuel et le collectif, le lyrique et l’épique, le quotidien et l’éternel, le poète y réussit le pari de toute une vie : opposer la fragilité humaine à la violence du monde et élever la tragédie de son peuple au rang de métaphore universelle.

9- Azmi Bishara ‘’Checkpoint’’

Checkpoint raconte un pays, la Palestine, désarticulé par les colonies de peuplement et les routes de contournement et, à présent, par le “mur de séparation”. Un étrange pays qui ne ressemble à aucun autre, un archipel, où le seul point de repère incontestable est le barrage militaire, le checkpoint, qui précisément abolit l’espace et le temps. L’immobilité et l’attente aiguisent la mémoire qui, à l’image du lieu où elle est enracinée, vient restituer par bribes des saynètes fragmentées. Alternant épisodes de la vie quotidienne et portraits, souvenirs de jeunesse et récits absurdes, dialogues et méditations, Azmi Bishara dénonce avec un humour décapant le sort réservé aux Palestiniens par les “Maîtres du checkpoint”. Mais il égratigne aussi son propre camp, avec ses politiciens opportunistes, ses idéologues obtus et tous les autres profiteurs de “l’industrie de la Cause”.

Le récit commence et se termine par une tendre évocation de la fille du narrateur, Wajd, mot désignant l’une des sept “stations” de l’amour chez les mystiques musulmans. C’est la douleur d’être séparé de l’aimé même en sa présence, la douleur du désir, toujours insatisfait, de s’unir à lui.

10- Susan Abulhawa ‘’Les matins de Jénine’’

De la création de l’État d’Israël en 1948 jusqu’en 2002, l’histoire d’une famille palestinienne, sur quatre générations, dont le destin se noue au rythme du conflit israelo-arabe. Comme son père, et comme le père de son père, Hassan vit de la culture des olives dans le petit village palestinien d’Ein Hod. Mais en 1948, lors du conflit qui suit la création de l’État d’Israël, Ein Hod est détruit et ses habitants conduits vers un camp de réfugiés. Pour Hassan, cet exil s’accompagne de la douleur de voir l’ancestral cycle familial brisé à jamais. Son jeune fils Ismaïl a été enlevé par des Israéliens qui lui cacheront ses origines. L’aîné, Youssef, grandira dans la haine des Juifs, prêt à toutes les extrémités. Quant à Amal, sa fille, elle tentera sa chance aux États-Unis, inconsolable cependant d’avoir fui les siens.

(Titre bonus) Gilbert Sinoué ’’Inchallah – Les cinq quartiers de la lune’’

11 septembre 2001. Au lendemain des attentats du World Trade Center, le monde entier, tétanisé, retient son souffle. Mars 2003. C’est la guerre d’Irak. Une nouvelle ère s’ouvre sur un Moyen-Orient déjà blessé. L’heure de la mise à mort a sonné.

Avram, Joumana, Menahem, Majda, Gamil, Samia, Jabril, Soliman, Rasha, Zyad, Ron, Thierry. Hommes, femmes, chrétiens, juifs, musulmans, autant de destins qui, du jour au lendemain, vont se retrouver fracassés. C’est à travers le regard de ces êtres de chair et de sang que nous assistons au démembrement d’un monde. Celui des Mille et une Nuits. Mais cette fois, ce sont les extrémismes qui déplacent les pions et deux visions de l’humanité qui s’affrontent : l’archaïsme islamiste et le mirage occidental. Y aura-t-il un vainqueur et un vaincu ? Ou ne restera-t-il que des cendres ? Pour ce dernier volume de la trilogie Inch’ Allah – après _Le Souffle du jasmin_et Le Cri des pierres -, Gilbert Sinoué plonge dans les tourments de notre passé récent et prend le parti de familles ballotées par les événements et les puissants. Une fresque fascinante.