Sarah Haddadi : une jeune mécanicienne qui casse les codes

Rencontrer Sarah Haddadi est une véritable bouffée d'air frais. Cette jeune femme algérienne, pleine de ressources et passionnée par la mécanique, brise les stéréotypes avec son sourire et ses outils en main. Par Meriem Kamli

Dans un univers souvent perçu comme masculin, Sarah se crée un chemin avec talent et détermination. Découvrez une histoire inspirante pour tous ceux qui n’osent pas encore se lancer dans leurs passions.

Des bases de données aux moteurs : la clé à mollette qui a changé la vie de Sarah

« Dès que j’ai touché au moteur de ma première voiture, j’ai compris que c’était ce que j’aimais le plus au monde » déclare Sarah Haddadi, 23 ans, résumant ainsi l’origine de sa passion dévorante pour la mécanique automobile.

Pourtant, rien ne la destinait à cette voie puisqu’elle avait étudié l’informatique et les bases de données. Mais la clé à molette l’attirait plus que tout.

Briller sous le capot : les premiers pas d’une apprentie mécano

Décidée à assouvir son amour pour les moteurs, Sarah a su trouver un équilibre entre sa passion et ses obligations. Elle combine parfaitement ses études et son travail dans un garage, où elle a réussi à être embauchée comme apprentie mécanicienne. « Je devais jongler avec mes études ; j’avais trois jours de libre par semaine, que je passais au garage à bricoler. »

« Aujourd’hui consciente des défis et de la difficulté de vivre uniquement de sa passion, surtout en Algérie, Sarah travaille également en tant que chargée de digital et communication chez UTA Equipements, une société d’équipement automobile. Cependant, elle garde un souvenir précieux de ses débuts dans le monde de la mécanique.

« Ma première tâche a été de nettoyer les traces de silicone sur une Spark. J’y ai passé tout l’après-midi jusqu’au retour du mécanicien qui m’a supervisée. Je pense qu’il était content de voir qu’il n’y avait aucune trace de silicone, haha ! », se souvient-elle, amusée.

« Je me rappelle avoir travaillé sur la suspension et le châssis d’une Renault. C’était la première fois que je travaillais seule. Quand je suis arrivée aux mâchoires de frein arrière, j’ai réalisé que c’était un peu comme un puzzle à assembler, sans risque d’erreur ni de dommage. Mon collègue m’avait montré une fois comment faire, et j’ai réussi à le faire correctement du premier coup. Je suis fière de cette réussite, car c’est une manœuvre technique pour un débutant. »

Par ailleurs, loin des stéréotypes, ses collègues masculins l’ont accueillie à bras ouverts dans ce milieu réputé masculin. « Je n’ai pas rencontré de difficultés dans les garages dans lesquels j’ai travaillé, parce que mes collègues étaient ouverts à l’idée qu’une femme puisse être mécanicienne. Ils partageaient volontiers leurs connaissances et leur passion avec moi. J’étais aussi passionnée qu’eux. Mes collègues étaient tous assez jeunes ; la nouvelle génération accepte mieux ces idées. »

Sayatora_: un garage sur Instagram

Connue sous le pseudo de sayatora_ sur Instagram, Sarah publie régulièrement des tutoriels accessibles sur son compte pour démocratiser la connaissance de la mécanique : « J’ai réalisé que je ne pouvais pas tout apprendre seule, alors j’ai commencé à poser des quiz et des questions dans mes stories.

J’ai reçu beaucoup de réponses, d’amis et d’inconnus, tous me remerciaient pour les informations et conseils donnés par des professionnels. J’ai pris mon courage à deux mains et j’ai réalisé mes premières vidéos sur la mécanique. J’ai commencé de zéro, en abordant des sujets peu connus et en corrigeant les idées reçues.

Je sais que beaucoup de gens sont compétents, mais ils manquent parfois de bases solides. Je suis là pour les aider à mieux comprendre et à utiliser les termes corrects. Je dialogue beaucoup avec ma communauté, leur demandant leur avis dans mes stories, et je reçois énormément de propositions. Je pourrais offrir du contenu plus facile, mais je préfère aborder des sujets moins connus, mais importants (nhab njib jdid). Quand je choisis un sujet, il doit logiquement suivre mes précédentes vidéos. Je fais des recherches, je rédige des scripts et je les traduis en arabe ou en algérien pour que mes abonnés me comprennent. »

Son credo ? Déconstruire l’idée reçue que la mécanique est une affaire de force

« Mon conseil pour un futur passionné est de ne pas penser que la mécanique demande uniquement de la force. Ce n’est pas du tout le cas ; c’est avant tout une question de technique et de logique. »

De la passion à la réalité : la première course de Sarah

En plus de son engagement en ligne, Sarah a développé un solide esprit de compétition, comme en témoigne sa participation à sa première course officielle de simulation en Algérie : « Je peux vous parler de ma première course de simulation officielle en Algérie, lors de sa première édition.

J’étais la seule femme et la seule amatrice à y participer. Au milieu de vrais pilotes (course de côte, drift, karting, simracing), j’étais paniquée au début, mais mon coéquipier me rappelait sans cesse que si j’étais là, c’est que je pouvais le faire. C’était une course d’endurance de 6 heures, nous avons partagé les heures de conduite trois par trois. Pour une première fois, c’était à la fois excitant et stressant, d’autant plus que j’avais devant moi l’un des plus grands pilotes d’Algérie, ce qui m’intimidait. Malgré tout, j’ai réussi à maintenir mon rythme de course et à suivre la stratégie établie. […] Cette course restera gravée dans ma mémoire, car j’ai pu rivaliser avec des pilotes de haut niveau, qui m’ont beaucoup encouragée. »

Cette première expérience s’est avérée concluante puisqu’elle a terminé 6ᵉ sur 8 pour une première participation, face à des experts confirmés.

De grands rêves et un impact plus grand

Sarah Haddadi est bien plus qu’une jeune passionnée de mécanique. Elle est un véritable modèle et une source d’inspiration pour les femmes, en Algérie et au-delà. Dans un domaine souvent perçu comme exclusivement masculin, Sarah brise les stéréotypes avec assurance et compétence, prouvant que la passion et le talent n’ont pas de genre. « Sans entrer dans les détails, notre pays protège et préserve excessivement les femmes. En 2024, les femmes ont compris qu’elles peuvent poursuivre leurs passions et travailler, et c’est quelque chose que j’encourage vraiment. Une femme dans un domaine dominé par les hommes sera toujours forte et respectée. […] Mon message est que le genre importe peu ; seule l’exactitude de l’information compte. »

Avec son approche bienveillante, son parcours inspirant et sa maîtrise des réseaux sociaux, Sarah Haddadi est désormais une pionnière dans la sensibilisation et l’encouragement des femmes à s’impliquer dans la mécanique automobile en Algérie. « Les femmes dans ce domaine sont désormais plus respectées et osent s’engager, même dans les courses, etc. Auparavant, il était rare de voir une femme dans ce domaine. Aujourd’hui, elles sont sûres d’elles et confiantes. J’ai pu leur donner cette confiance. Et surtout, elles ont compris que c’était sans risque d’aller vers une carrière qui leur plaît. J’ai reçu beaucoup de retours positifs à ce sujet et cela me réjouit vraiment d’avoir aidé certaines filles à surmonter leurs complexes et à explorer leurs passions longtemps cachées. »

Mais Sarah ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Son rêve ultime ? « Devenir pilote et avoir mon propre garage. » Un objectif nourri par son admiration pour la célèbre pilote de rallye française, Michèle Mouton. « Michèle Mouton a marqué l’histoire de l’automobile. J’ai un profond respect pour elle. »