Ces hommes qui prennent soin d’eux : « je suis métrosexuel et alors » ?

Explorez le phénomène émergent des hommes algériens qui, avec une discrétion parfois surprenante, investissent dans des rituels de soins de la peau, des cheveux et des ongles. Par Celia Ouabri      

Certains l’assument. D’autres le font dans la plus grande discrétion. De quoi parle-t-on ? De ces hommes qui prennent soin de leurs peaux, de leurs cheveux, de leurs ongles et de leur apparence en général comme le font les femmes ! Eh oui, ce phénomène n’est pas propre aux sociétés occidentales ! Les Algériens sont de plus en plus soucieux de leur physionomie.

Cheveux kératinés, soins du visage, épilation… tous les moyens sont bons pour renvoyer une parfaite image de leurs personnes. Mais ces nouvelles habitudes n’ôtent-elles pas une part de virilité aux hommes ? Qu’en pensent les femmes ? Voyons cela de plus près !

Testostérone versus œstrogène

Pendant des siècles, la beauté était le terrain attitré des femmes. Elles seules utilisaient onguents et produits naturels pour leurs peaux et leurs visages. Mais la société moderne a changé la donne. L’homme s’est libéré des travaux ardus de la mine et des champs. Aujourd’hui, il est dans les bureaux et à ce titre, il revendique son droit à une image plus valorisante.

Les marques de cosmétiques ont senti le vent tourner. Outre les parfums et autres eaux de toilette, elles proposent désormais toute une gamme de produits cosmétiques destinés uniquement à la gent masculine :

  • gommage ;
  • crèmes ;
  • soins de rasage ;
  • soins anti-âge ;
  • kératine ;
  • écran total, etc. 

Les produits cosmétiques pour hommes fleurissent et les hommes ne se font pas prier pour en acheter. Certains y consacrent même un sacré budget chaque mois. « Je me fais un gommage et applique un masque à l’argile chaque semaine » nous dit Fayçal (28 ans). « Je fais aussi des manucures et pédicures à la maison. J’achète des tas de produits. Une bonne partie de ma paye y passe. Pour moi, ce n’est pas un sujet tabou ! ».

Tout un budget

Oui, visiblement, l’homme des cavernes est loin derrière nous. La testostérone ne fait plus mouche. Nos compagnons ont désormais un sens accru de l’esthétique. En 1994, Mark Simpson, journaliste britannique à The Indépendant, invente un néologisme pour parler de ces hommes qui prennent grand soin de leur corps et de leurs tenues vestimentaires : les métrosexuels.

Tous ces citadins ont leur salle de bain pleine de soins. Parfois même, ils ont plus de produits que leurs sœurs, mères ou épouses. « Mon frère dépense des sommes folles en shampoings, crèmes hydratantes et autres produits de beauté » nous révèle Manel (25 ans). « Il en a plus que moi, alors, lorsque je suis en panne, je sais où en trouver. C’est pratique d’avoir ce genre de boutique à la maison ».

Dans la plus grande discrétion

Sabrina est esthéticienne à Alger. Elle nous avoue recevoir pas mal de demandes de rendez-vous venant d’hommes. « Ce sont surtout des hommes des médias ou les hauts commis de l’État qui ont une vie publique. Je les prends en séance privée, car chez nous, les instituts sont réservés exclusivement aux femmes. Ils demandent des nettoyages de peau, des gommages et même des épilations du torse. La plupart d’entre eux tiennent vraiment à rester discrets par rapport à leur entourage. Dans notre société, ce sujet reste tabou. Un homme qui prend soin de sa peau est mal vu ».

Hommes féminisés ?

Justement, les hommes ‘féminisés’ perdent-ils un peu de leur virilité ? Les avis divergent selon les générations. Pour Chafika (57 ans), un homme n’a pas besoin de ces artifices féminins. « Pour moi, un homme qui fait des soins perd carrément une part de sa virilité. Les cosmétiques sont pour les femmes ! Basta ! ». La nouvelle génération a un autre point de vue. « Mon copain a fait un soin Kératine pour ses cheveux. Il utilise des crèmes hydratantes, se lime les ongles… Je trouve que c’est bien de prendre soin de sa personne, même pour un homme » témoigne Romaissa (24 ans).

Barbe de trois jours et odeur de fauve ne sont plus d’actualité. Du moins pour certains hommes qui revendiquent leur droit à bichonner leur peau comme le font les femmes. Attitude pas toujours assumée, mais qui a tendance à se généraliser.