Mère et fille, comme cul et chemise

Sourires complices, regards entendus, bisous, câlins… Bref, un océan de tendresse filiale partagé entre une mère et sa fille. Par Celia Ouabri

Comme les doigts de la main, elles sont inséparables. Comme deux meilleures amies, elles parcourent les boutiques ensemble, s’échangent vêtements et maquillages, se confient le moindre secret, fréquentent le même cours de fitness… Mais parfois, coup de tonnerre dans le ciel bleu. La machine s’enraye, et ce duo indissociable se retrouve en situation de duel impitoyable. Il y a une ligne à ne pas franchir !

Comment trouver le savant dosage ?

La relation mère-fille, fusionnelle certes, mais souvent très caractérielle, soulève la question : comment ne pas marcher sur les plates-bandes de l’autre ? C’est l’ordinaire des mères et des filles, complices à la vie comme à la scène, mais de temps en temps, l’harmonie vacille. Les deux acolytes ne risquent-elles pas de devenir des antagonistes, se disputant le rôle de « big boss » ? Hadjira, 29 ans, en a fait l’expérience.

Pendant un an, elle a géré un institut de beauté avec sa mère. Après l’expiration du bail, elle a décidé de ne pas renouveler l’expérience. « Une année de promiscuité professionnelle avec ma mère m’a suffi pour me rendre compte que deux commandants ne peuvent se retrouver sur un même bateau !

Au début, l’idée de bosser ensemble nous tenait à cœur, mais une fois le centre ouvert, les différends ont émergé. Avoir maman sur le dos tous les jours, ce n’est pas facile. Nous avions des avis divergents sur la gestion de l’affaire. Deux caractères forts, ça finit par faire des étincelles ! », raconte-t-elle.

Heureusement, à la maison, tout se passait bien. « J’ai mis un bémol à ma collaboration professionnelle, tout en continuant à l’aider de loin, mais nos rapports sont désormais plus détendus. Complices, mais pas rivales. C’est mieux ainsi ! »

Et si tu me lâchais un peu la grappe ?

Toute entente a ses limites, et le facteur âge y joue un rôle majeur. Lorsqu’une maman quadragénaire emprunte les fringues de sa fille adolescente, s’approprie son gloss à lèvres et discute avec ses copines sur Facebook, ça peut faire désordre. Les médias, souvent, nous bombardent d’images de mères et filles présentées comme des clones. Mais la réalité est souvent différente. Il existe une ligne à ne pas franchir, sans quoi on risque de confondre le burlesque et le grotesque.

C’est le cas de Sarah, 16 ans, qui se plaint d’une mère trop envahissante : « Elle me prend dans ses bras comme si j’étais encore à la maternelle, elle apostrophe mes amis comme si c’était ses copines. À la maison, elle m’incruste dans mes discussions avec mes amies, imite mes coiffures et me chipe mes vêtements ! Je soupçonne ma mère de refuser de vieillir. Certes, nous avons toujours eu une relation fusionnelle, mais maintenant, à 16 ans, j’aimerais prendre un peu plus de distance. »

Ma fille, mon amie !

Certaines mamans vivent une relation privilégiée avec leurs filles, même après leur mariage. C’est le cas de Z’hor, une retraitée de 61 ans, mère de deux grandes filles. « Notre complicité s’est prolongée après mon mariage, surtout avec Rym qui vit à Alger. Nous nous téléphonons plusieurs fois par jour, allons aux fêtes ensemble et faisons les magasins. Avant, ma mère était très occupée avec ses enfants et son travail, mais depuis sa retraite, on a commencé à profiter de moments simples ensemble. Je me rends compte que j’aurais aimé passer plus de temps avec elle plus jeune, mais aujourd’hui, on se rattrape ! »

La complexité des rapports mère-fille

Les relations mère-fille sont souvent qualifiées de « relation de l’extrême ». Quand elles sont fusionnelles, elles peuvent paraître parfaites, mais elles peuvent aussi basculer dans le conflit. L’amour immense est généralement accompagné d’une porte ouverte à la haine. Le couple mère-fille est indissociable, mais il peut passer par des ruptures et des retrouvailles. Comme le souligne le psychologue A. Nazim,

« Les liens mère-fille varient d’une situation extrême à l’autre, car les sentiments qui les unissent sont à la fois immenses et complexes. Cette relation est à la fois un bonheur incommensurable et une fragilité permanente. »

Le rapprochement mère-fille commence dans l’enfance, mais c’est vers l’adolescence que se construit une véritable complicité. C’est un chemin semé d’embûches, mais aussi de moments de bonheur à construire. À la clé, une relation fusionnelle, certes fragile, mais d’une beauté rare.