Ze big boss, c’est Madame. Gestion du budget, planification des vacances, scolarité des enfants, projets… dans tous les détails de la vie quotidienne, c’est elle qui a le dernier mot. Le grand géant à poils drus ne bénéficie que d’un ministère sans portefeuille. Il fait de la figuration et n’a qu’à bien se tenir !
T’inquiète, c’est toi le chef… chéri !
En public, Madame cache son jeu. Cela va de soi. Dans le cercle familial ou amical, elle donne l’impression d’être « aux ordres » de son homme, mais ce n’est qu’une illusion. Florilège : « Chéri, alors quelle est la marque de la voiture que tu as finalement décidé d’acheter ? » Ou encore :
« Où nous emmènes-tu en vacances cette année ? » Une hypocrisie pataude, dissimulée sous un sourire éclatant. Balivernes. Il faut bien que le mari ait son petit quart d’heure de gloire à la Andy Warhol. Une fois loin des regards, entre les quatre murs de leurs pénates, Monsieur dégringole de son piédestal pour retrouver son rôle de valet, obéissant au doigt et à l’œil de Madame la baronne.
« Dans mon couple, nous avoue Samira (51 ans), c’est toujours moi qui prends les grandes décisions. Lorsqu’il a été question de la dot du mariage de notre fille, c’est moi qui ai tranché. Pour l’achat de notre appartement, pareil… En un mot, je planifie et régente toute notre vie de couple. », affirme-t-elle.
Arc-boutée sur les principes de l’homme viril et dominant, la société peine encore à se débarrasser de ses vieux démons. Une Aïcha radjel, comme on qualifie la femme qui porte la culotte dans le couple, est mal perçue dans notre société où le pouvoir est naturellement attribué au mâle prédateur dès sa naissance. Toutefois, il existe des exceptions. Dans certains couples, les rôles sont inversés, et c’est l’épouse qui porte la casquette. Elles ont renversé la vapeur, régnant sans partage sur leur petite tribu. À bâbord ! À tribord ! Ces Wonder Woman sont les seules capitaines à bord.
Chéri, pas de chichi !
« En me mariant, j’ai tout de suite réalisé que mon homme n’était pas perspicace, nous confie Assia (29 ans). Il ne faisait pas toujours les bons choix, et ses décisions nous ont valu bien des tuiles. J’ai très vite pris les choses en main, car je trouvais qu’il avait un caractère trop docile et pas très affirmé. Évidemment, dans notre société, la pilule est parfois dure à avaler. Je me souviens de la fois où je cherchais une location. Le propriétaire m’a clairement signifié qu’il préférait négocier avec mon mari. Une femme qui prend les devants, ce n’est pas encore dans nos mœurs. » « Sa place, pense-t-on, est derrière les fourneaux. Une vision machiste, hélas encore très répandue ! », remarque Assia.
À la maison, la répartition des tâches est placée sous le sceau de l’égalité. « Mon mari, je l’ai habitué dès le début de notre union à mettre la main à la pâte », nous révèle Lilia (45 ans). « Il cuisine, fait la vaisselle et le repassage. Il m’arrive d’aller au marché pendant qu’il joue les fées du logis. Être celle qui porte la culotte à la maison, c’est comme diriger une grosse entreprise. Il faut être à la fois au four et au moulin ! », argue-t-elle.
C’est moi E’rradjel !
Admettre que c’est la femme qui porte le pantalon dans le couple n’est pas du goût de tous les hommes. Mohamed (32 ans) n’en démord pas : « Pas question que mon épouse mène la barque à la maison. Certes, elle doit avoir carte blanche pour éduquer les enfants et entretenir le foyer, mais pour le reste, c’est moi qui décide ! » Ainsi, pour appuyer ses dires, il enchaîne sur cette anecdote : « J’ai un voisin qui vit sous la coupe de sa compagne.
Elle décide absolument de tout, même du jour où il doit rendre visite à sa vieille mère. Et autant vous dire qu’il est la risée de tout le quartier. Je me souviens même qu’un jour, alors que nous lui avions proposé d’aller faire une partie de pêche, il est revenu vers nous, tout penaud, l’air désolé. Sa femme avait tout simplement apposé son véto. Le comble, c’est qu’il ne s’en cache pas. Hallucinant, non ? » Admettre que c’est la femme qui porte le pantalon dans le couple n’est pas du goût de tous les hommes.
Vous en pensez quoi, Docteur ?
La culotte ne fait pas l’homme ! Le temps où l’homme devait quitter sa caverne pour chasser le gibier et subvenir aux besoins des siens est révolu. Mais si on continue à qualifier la personne qui prend plus volontiers les bonnes décisions dans le foyer de celle ou celui qui porte la culotte, c’est qu’il mérite juste d’être le porte-drapeau des siens. Que ce soit Madame ou Monsieur, qu’importe !
Pourquoi alors admettre, aujourd’hui, que la femme peut avoir un travail reconnu et rémunéré au même titre que l’homme, qu’elle participe à toutes les charges domestiques, qu’elle soit en mesure de dispenser une bonne éducation à ses enfants, mais ne pas être tout à fait apte à avoir un avis sur les grandes décisions familiales ? Et pour peu qu’elle revendique une telle implication, en tant que mère, épouse et personne adulte, on crie au scandale et on la soupçonne de vouloir porter la culotte !
À méditer, cette citation de Gandhi : « Homme et femme, chacun est complémentaire de l’autre.»
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