Un cri que le soleil dévore : les carnets de Jean Sénac édités chez El Kalima

L'année 2024 a marqué le 51ᵉ anniversaire de l'assassinat de l'un des plus grands poètes algériens : Jean Sénac. Par Reslane L.

Pour mieux connaître ce poète qui a élevé la poésie au même niveau que la révolution, rien de mieux que de plonger dans ses carnets intimes. Par Reslane Lounici

Un recueil des carnets de Jean Sénac

Publié aux éditions du Seuil en collaboration avec les éditions El Kalima en Algérie, et sous la direction de Guy Dugas, « Un cri que le soleil dévore » est un recueil des carnets de Jean Sénac qui retrace plus de 30 ans de la vie intime du poète.

Entre croquis de dessins, poèmes, tranches de vie et autres pensées, ces carnets révèlent un Jean Sénac vulnérable, en proie aux doutes, mais également un homme courageux, révolté contre les injustices que subit son pays.

Né d’une mère algérienne et d’un père inconnu à Béni-Saf (près d’Oran) dans un milieu pied-noir conservateur, le jeune Sénac se fait rapidement remarquer par Albert Camus, qui devient son mentor puis son ami, avant une rupture qui marque l’histoire des deux hommes.

La cause algérienne à travers les mots de Jean Sénac

La rupture entre Camus et Yahia El Wahrani (le pseudo sous lequel il signait certains de ses poèmes) trouve sa cause dans la divergence d’opinions sur la question de la libération de l’Algérie. Jean Sénac, fervent défenseur de la cause algérienne, n’a cessé de soutenir le pays jusqu’à son assassinat en 1973.

Profondément engagé dans la cause nationaliste algérienne, il mène le combat par les mots pendant la révolution sans renier pour autant sa culture française. Après l’indépendance, il soutient le régime en place, mais devient critique envers un gouvernement marginalisant les minorités berbères et homosexuelles. L’homosexualité de Jean Sénac, non secrète, est défendue ouvertement dans ses poèmes, créant même le terme « Corpoème » pour certains d’entre eux.

Ami de Mohamed Dib et de Kateb Yacine, il occupe, après l’indépendance, divers rôles tels que secrétaire de l’Union des écrivains algériens, animateur d’émissions radio consacrées à la poésie sur la chaîne 3, créateur de revues artistiques et littéraires, et fondateur d’une galerie d’art.

Son courage et ses positions ont peut-être causé son assassinat. Le 30 août 1973, Jean Sénac est retrouvé mort dans son appartement situé au sous-sol d’un immeuble au boulevard des martyrs. Est-ce que ce meurtre a été commandité par les hautes autorités du pays ? Était-ce un rendez-vous sentimental qui a mal tourné ? Les théories sont multiples, et cinquante ans après ce funeste jour, l’affaire n’a toujours pas été élucidée. On ne saura probablement jamais ce qui a conduit à l’assassinat de l’une des plus belles plumes de l’Algérie.