Ces mamans dont les enfants poursuivent leurs études à l’étranger

Elles les ont accompagnés à l’aéroport en versant de grosses larmes. L’impression d’aller à la potence. Ces mamans le savent : plus rien ne sera plus comme avant. La maison sera vide. Par Lydia N.

Leur enfant s’est envolé pour aller étudier à l’étranger. Elles essaient de se faire une raison : « C’est pour une vie meilleure. Un mal nécessaire ». Elles racontent la déchirure de la séparation, les sacrifices financiers, ce manque indescriptible qu’on appelle « el wahche ». Témoignages.

Le grand vide après le départ

Divorcée, Souhila (54 ans) a vu ses deux enfants s’envoler l’un après l’autre vers l’Hexagone afin d’y poursuivre leurs études. « Le premier est parti il y a six ans. À l’époque, je me réconfortais grâce à la présence du deuxième. Lorsque Lyes a reçu son acceptation dans une école de management à Toulouse, j’ai commencé à angoisser.

J’allais me retrouver seule. En même temps, je devais penser à son avenir et prendre sur moi. Il est parti en septembre 2016. Je suis passée par des semaines horribles. Je m’effondrais en larmes dès que je rentrais à la maison après le travail et me précipitais sur mon téléphone pour converser avec lui sur Viber ou Messenger. Lâcher son fils après l’avoir couvé n’est pas chose aisée pour une maman. La hantise de perdre le contrôle, de ne plus savoir ce qu’il fait exactement, qui il fréquente… C’est un risque, quelle que soit l’éducation donnée à son enfant.

Un an s’est écoulé. Je me suis habituée à son absence. Disons que je suis plus apaisée, plus sereine. Mon fils revient pendant les vacances et je lui rends visite dès que je peux. Heureusement qu’Internet permet de réduire les distances et de communiquer chaque jour avec lui. Je connais beaucoup de mamans qui sont dans mon cas. Elles tiennent toutes le même discours : « Il faut se faire une raison. C’est pour leur avenir ». Unique consolation qui atténue, ne serait-ce qu’un peu, cette souffrance au quotidien. »

Gouffre financier

Pour de nombreuses familles, envoyer ses enfants pour étudier à l’étranger représente un énorme sacrifice sur le plan financier. C’est ce que nous révèle Soraya (51 ans). « Ma fille est étudiante à Montpellier.

Avec mon mari, nous devons nous serrer la ceinture pour lui permettre de poursuivre ses études. Elle ne dispose ni d’une bourse, ni d’un quelconque revenu. Se loger, se nourrir, ça coûte un bras, surtout que notre dinar ne cesse de se dévaluer face à l’euro. Nous nous privons de tout pour notre fille. Cela nous fait un peu peur, car une fois engagés dans cet engrenage, impossible de faire marche arrière. »

Comme un insurmontable deuil

« Le pire moment de ma vie, c’est en ce moment. Ma fille a eu son acceptation dans une université à Paris. Je l’ai soutenue dans toutes ses démarches. Cependant, dans un coin de ma tête, il y avait une voix qui me disait : ‘Peut-être que son dossier sera rejeté par Campus France’. Je crois même que cette nouvelle m’aurait soulagée et qu’au fond de moi-même, c’est ce que je souhaitais.

Ce n’est que lorsque nous nous sommes rendues à l’agence pour acheter le billet d’avion que j’ai réalisé que ma fille unique allait vraiment me quitter. J’ai bien un garçon de 15 ans, mais ce n’est pas la même chose. Ma fille, c’est ma complice, mon amie, mon alter ego. Et puis, elle s’en est allée. Toute seule, lâchée dans la nature. En voyant sa chambre vide, je suis tellement submergée par la tristesse. Une petite voix me dit que c’est pour une vie meilleure.

Une autre me souffle que je suis idiote de l’avoir aidée à quitter le nid. Je me suis peut-être tirée une balle dans le pied. Et si elle ne revenait plus ? On ne fait pas des enfants pour les perdre, quand même ! Les voir trois semaines par an, c’est juste cruel. Je pleure en lui parlant de longues heures sur Skype. Elle aussi est bouleversée par cette séparation, mais je la sens plus déterminée. Elle veut aller de l’avant et me prouver que ce sacrifice n’est pas vain. En tout cas, pour le moment, je suis à deux doigts de la dépression. J’ai le soutien de ma famille et de mes amies qui sont passées par là. C’est un passage à vide, une sorte de deuil. Je souffre le martyr de ne plus entendre sa voix, de ne plus la voir devant moi, de ne plus rire de ses blagues. Son père accuse mieux le coup. L’apaisement, c’est ce que j’attends. »

Le jeu en vaut la chandelle

Voir ses deux filles partir en même temps pour aller étudier à l’étranger, c’est une pilule dure à avaler, selon Zeina (49 ans). « Elles sont parties il y a tout juste un an. L’une à Londres, l’autre à Paris. Elles veulent avoir une belle vie, vivre dans un meilleur environnement. Se sentir libres. Avoir un bon job. Une meilleure qualité de vie. Évoluer dans une société ouverte. Je sais qu’elles vont tout faire pour ne plus revenir.

Et je ne peux m’empêcher d’avoir une réflexion purement égoïste : si notre pays avait été à la hauteur, nos enfants n’auraient pas été disséminés aux quatre coins du monde. Ces séparations, c’est l’éclatement des familles, c’est beaucoup de larmes et de souffrance. J’aurais tellement rêvé que mes filles puissent s’accomplir dans leur pays. Les avoir près de moi. Je ne parle même pas du sacrifice financier. Et il ne faut surtout pas croire que ce sont les familles riches qui envoient leurs enfants étudier à l’étranger. Ce sont souvent de simples salariés comme moi qui donnent jusqu’à leur dernier centime afin que leurs enfants aient des diplômes internationaux. »

Un jour ou l’autre, les enfants quittent leur nid pour construire leur vie. Pour toutes ces mamans tourmentées, reste l’espoir des prochaines retrouvailles. Elles savent déjà que celles-ci seront fusionnelles, émotionnelles, chaleureuses.