Tout le monde me court derrière. Avec leurs yeux de Chimène, ils rêvent tous de me posséder, par n’importe quel moyen. Seule une poignée sue du burnout avant de m’obtenir. Les autres utilisent des moyens scabreux : vol, détournement, corruption, filouterie, mensonge, boniment, escroquerie. Ils finissent parfois derrière les barreaux, mais pas toujours.
Vous m’avez reconnu ? Oui, je suis l’argent. L’homme a inventé plein de vocables pour me désigner. En DZ land (Dzaïr) on m’appelle : Drahem, El kemoune, Essourdi, El mal… Dans la langue de Molière : fric, thune, grisbi, pépète, pèze, blé, sous groseille, flouze, pognon…
Le nerf de la guerre
On dit de moi que ‘je suis le nerf de la guerre’, que ‘je n’ai pas d’odeur’, et que ‘je ne fais pas le bonheur’. Pour cette dernière expression, permettez-moi de protester avec véhémence. Si c’est vrai que je ne contribue pas au bonheur des terriens, pourquoi diantre suis-je au centre de toutes les discussions, de toutes les stratégies géopolitiques, de tous les projets.
Demandez donc à Elon Musk, Bernard Arnault, Jeff Bezos, Bill Gates, Hassanal Bolkiah (sultan de Brunei), Françoise Bettencourt leur avis sur la question. Vous serez fixés ! Je rends fous même ceux qui sont nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Insatiables, ils en veulent toujours plus.
Et lorsqu’ils clamsent, ils laissent leurs rejetons se déchirer pour l’héritage. Regardez la famille Halliday et récemment les Delon. Douchka et Anthony Delon lavent leur linge sale en public. Je signe et persiste, je rends les humains gagas, fadas, ‘mahboul’ !
Lorsque l’argent fait oublier les principes
L’influenceuse italienne Chiara Ferragni, aux trente millions d’abonnés sur Instagram, a grugé tout le monde avec son opération ‘brioche de Noël’. Les bénéfices du ‘Pandoro’ (brioche italienne) devaient être reversés à un hôpital. Chiara l’avait claironné sur son compte Insta afin d’encourager les internautes à mettre la main à la poche. L’influenceuse a reçu plus d’un million d’euros sans donner un copeck à l’hosto. Ça a fini par se savoir. Scandale ! Un exemple parmi tant d’autres de la cupidité des bipèdes.
J’ai la réputation de brûler les mains. Si certaines personnes pondérées et mesurées préfèrent garder une poire pour la soif, d’autres n’ont de cesse que de me dépenser séance tenante. Resto, shopping, voyage et autres plaisirs éphémères. J’habille les carcasses des maîtresses et orne leurs doigts manucurés de petits cailloux scintillants, au détriment des épouses légitimes, occupées à aider leurs enfants à faire leurs devoirs pendant que Monsieur court le guilledou.
La passion du lucre
On m’a blanchi, on m’a thésaurisé, on m’a coffré. On m’a enseveli dans des matelas puants, caché six pieds sous terre, planqué dans des sachets noirs… On m’a même mis à la mode du virtuel sous le nom de cryptomonnaie. Et le pire est à venir, je le crains. Un costume de belle facture, des soirées mondaines, des séjours dans des palaces, vous avez tous la passion du lucre. Vous dépensez des mille et des cents.
Vous vous croyez invincible comme Achille jusqu’au jour où la camarde surgit sans prévenir. Je ne vous accompagnerai pas lors de ce dernier voyage, car vous repartirez comme vous êtes arrivés sur terre, sans moi. Alors ne perdez pas votre humanité, ne détournez pas le regard de ceux qui n’ont rien à manger, rien à porter, rien à fêter. Faites preuve de plus de tempérance et de mon côté, je vous promets que je serai toujours là pour vous, car souvenez-vous, je suis un bon serviteur et un mauvais maître.
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