Rejetée, humiliées et mal considérées par les hommes, mères, épouses, sœurs ont toujours mené un âpre combat pour gagner leur place dans la société. « Les Résilientes » dernier ouvrage en date de Chems-Eddine Chitour nous plonge dans l’histoire de ces « fehlate ».
Elles continuent d’écrire l’histoire
Elles font l’histoire de notre pays depuis 25 siècles. Tin Hinan, Cléopâtre Séléné, La Kahina (Dihya), Sophonisbe, Cyriane, Fatma N’Soumer, Kenza Awrabya, Lalla Zineb, Roba, Fatma Tazoughart (la rouquine), Lalla Khedidja, Euljia el Hanachia…
Plus près de nous, les femmes combattantes, artistes, écrivaines, scientifiques, sportives continuent d’écrire l’histoire, léguant leur nom pour la postérité. Djamila Bouhired, Hassiba Ben Bouali, Assia Djebar, Hassiba Boulmerka, Sakina Boutamine et tant d’autres se sont distinguées, chacune dans son domaine..
Sexe faible, dites-vous ?
Chems Eddine Chitour dénonce les injustices faites aux femmes : « L’histoire des civilisations humaines est aussi une forme de prise de pouvoir brutale par les hommes sur les femmes, à qui l’on colle l’étiquette dévalorisante de sexe faible. » Il critique les religions monothéistes qui ont relégué les femmes à un rôle mineur dans la société : « Quand l’imam Boukhari déclare : ‘La majorité des habitants de l’enfer sont des femmes, parce qu’elles sont ingrates, renient les bienfaits de leurs époux et les faveurs qu’ils leur font’, tout est dit ! Nous mesurons la profondeur du mépris. »
« La femme a toujours excellé dans tous les domaines », affirme-t-il. « La première femme écrivaine s’appelle Enheduanna », nous rappelle-t-il. « Née il y a 4305 ans, cette princesse sumérienne a vécu à Ur et à Nippur (actuel Irak). Elle était poétesse et prêtresse. »
« Dans le monde, des femmes continuent de marquer leur passage, dans tous les domaines : Doris May Lessing, prix Nobel et militante anti-colonialiste ; Rosa Parks, symbole de la lutte anti-raciale ; Toni Morrison, prix Nobel de littérature et première afro-américaine à recevoir cette distinction ; Fairouz, la chanteuse engagée ; Mata Hari, l’espionne fusillée. »…
Meriem, Malika et les autres
Les Algériennes ont sacrifié leur vie pour l’indépendance de notre pays. Meriem Bouatoura (née à N’Gaous en 1938) a rejoint le maquis. Elle avait dit à ses parents : « Je ne vais pas me marier… je vais rejoindre la guerre de libération pour protéger mon pays ». Malika Gaïd, maquisarde universitaire de la première heure, était quant à elle diplômée en soins infirmiers sage-femme et travaillait à l’hôpital de Kherrata. À l’infirmerie, elle subtilisait des médicaments pour les fournir aux moudjahidine. Elle mourut les armes à la main à l’âge de 24 ans.
La Jeanne d’Arc Algérienne
L’auteur rend également hommage à Fatma N’Soumer, que le général Randon appelait « La Jeanne d’Arc Algérienne ».
Chems Eddine Chitour regrette que cette vaillante guerrière soit tombée dans l’oubli : « Il a fallu 33 ans pour que l’État algérien, au plus fort de la décennie noire, se souvienne qu’il avait des référents identitaires et qu’il n’avait pas jailli du néant. Ainsi, le 8 mars 1995, les ossements de Lalla Fatma N’Soumer sont rapatriés à El Alia dans l’indifférence générale », écrit-il.
Chems Eddine Chitour critique sévèrement les hommes qui s’attribuent tout le mérite en balayant l’engagement des Algériennes dans la libération de notre pays : « L’histoire de la Révolution algérienne reste à écrire, car elle est aussi partiellement racontée. Elle est racontée par des hommes qui ont capté toute la lumière de cette glorieuse révolution, alors que les femmes devraient recevoir une reconnaissance égale ».
Discriminées, méprisées, humiliées, les femmes se sont battues tout au long de leur vie pour gagner leur place dans un monde fait par les hommes, pour les hommes. L’ouvrage de Chems Eddine Chitour est un plaidoyer pour toutes les femmes du passé et du présent..
Les Résilientes. Chems-Eddine Chitour. Editions Dalimen. 2024. 503p. 2400 da
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