Ce petit bidule hightech a pris tellement de place dans la vie de certaines personnes qu’on jurerait qu’il a été greffé à leur organisme. Comment diantre nos ancêtres ont-ils pu se passer d’un tel objet qui peut à la fois prendre des photos, diffuser de la musique, montrer des vidéos et nous informer de tout ce qui se trame au bout du monde ?
Une fenêtre ouverte sur les arts, la culture, la politique, le sport, mais pas que. Avec l’invention de ce bijou technologique, un autre phénomène est apparu : l’émergence de millions de Youtubeurs ou influenceurs, appelez-les comme vous voulez ! Par leurs publications quotidiennes, ils entendent nous inciter à consommer tel ou tel produit, en étant grassement rétribués par les marques qu’ils représentent. Une monnaie sonnante et trébuchante qui dépasse largement les salaires d’une longue carrière professionnelle d’un bac plus 7.
Les ‘No life’ qui se valorisent sur les réseaux
Et puis, il y a les autres. Les ‘No life’. Ceux dont la vie est vide, creuse, insignifiante et banale, mais qui s’évertuent à édulcorer leur existence en multipliant les postes sur Facebook, Instagram, Snapchat ou TikTok. Un étalage indécent et insipide de leur vie privée qui, en réalité, n’attire que les voyeurs. Ces extraterrestres se mettent en scène pour se faire mousser. Ils dévoilent leur intimité afin d’exister dans le regard des autres. Ils multiplient les publications sur ce qu’ils ont mangé à midi, la doudoune qu’ils ont achetée au centre commercial l’après-midi et leurs états d’âme du soir.
Ma voisine est atteinte de ce syndrome. Lili a trente ans et ses pulsions cardiaques sont synchronisées avec les Bip Bip de son téléphone portable. La donzelle passe ses journées à regarder, palper, caresser son joujou électronique. Elle espionne (en anglais, on dit ‘stalker’) tout le monde sur les réseaux sociaux (surtout son ex petit ami) et publie des photos d’elle à tirelarigot.
L’indispensable Bip. Bip. Bip
Ma voisine passe ses journées et ses soirées scotchée à son smartphone. Bip. Bip. Bip. C’est le son qui fait bondir son cœur et gonfler son égo. Je l’ai surnommé Narcisse, comme ce personnage de la mythologie grecque qui a fini par se noyer à force d’admirer sa ‘fatcha’ dans le reflet de la rivière.
Lili abreuve ses ‘followers’ de publications à deux balles. Sa dernière tenue, son nouveau maquillage, le resto de Sidi Yaya où elle a dîné la veille… Désir d’être vue, admirée, complimentée, enviée. Faire le buzz, quoi ! Récolter des cascades de ‘like’. Des fleuves de ‘tu es belle !’.
Des tonnes de ‘Waow la classe’. Des tombereaux de ‘Masha Allah !’ Lili est aux anges. Sa dopamine atteint l’Everest. Pour son égo surdimensionné, c’est le graal, le nirvana, le pied ! Alors emportée par l’excitation, elle poursuit ses dingueries, postant vidéos, photos, commentaires. Les petits textes sont truffés de fautes de français. Mais elle ne le sait pas. Elle est le nombril du monde. Du moins le pense-t-elle. C’est la plus belle, la plus intelligente, la plus, la plus, la plus… Pluie de superlatif dans sa tête. Miroir, ô mon beau miroir !
La nomophobie, un calvaire
Et puis, un soir, il y a eu une panne mondiale d’internet. Un bug qui a duré 24 heures. Lili a dû être transportée aux urgences de l’hôpital de Beni-Messous et placée sous assistance respiratoire. Une veine bleue palpitait sur sa tempe. Le médecin de garde qui l’a examinée a diagnostiqué une nomophobie. Inutile d’aller sur Wikipidia, je vous l’explique : addiction au téléphone portable. Une piqure l’a plongée dans un sommeil profond. En se réveillant, Lili s’est mise à fourrager partout, à la recherche de son smartphone. Ne le trouvant pas, elle a piqué une crise de nerf qui lui a valu une double injection de Valium. De quoi la tenir tranquille jusqu’au rétablissement d’Internet.
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