Pour conquérir le cœur de leurs dulcinées, les Roméo ont de tout temps dépensé des fortunes. « Le seul mot qu’elle connaissait en italien, c’est Bulgari… le célèbre joaillier », disait Richard Burton à propos d’Elizabeth Taylor, surnommée, à juste titre, « la croqueuse de diamants ».
Par Celia Ouabri
Les amants de Marilyn Monroe lui offraient des rivières de diamants. Diamonds are a girl’s best friend, chantait-elle. Il fallait bien plus qu’un collier de rubis ou une bague en saphirs pour contenter Cléopâtre. Même à titre post mortem, l’amour s’écrit avec fast. En mémoire de Mumtaz Mahal, sa chère épouse morte en donnant la vie, l’empereur Shah Jahan fit construire un somptueux palais en marbre blanc en Inde : le Taj Mahal. De même, le roi Juba II fit édifier à sa défunte Cléopâtre Séléné le tombeau de la Chrétienne à Tipasa.
Zut, j’ai oublié mon porte-monnaie !
Les hommes généreux ont-ils déserté cette planète ? Pas tous, heureusement. Cependant, selon quelques témoignages recueillis, les Harpagon ne sont pas en voie d’extinction. Le petit ami qui file dare-dare aux sanitaires, juste au moment où le garçon se pointe avec la note, le grippe-sou qui vous bipe continuellement pour ne pas entamer son crédit, le rapiat qui zappe votre date d’anniversaire afin de ne pas mettre la main à la poche, le pingre qui vous offre une imitation de Dior aux relents de Oued El Harrach… c’est un peu fort de café, non ? Même l’Avare de Molière en perdrait de son éloquence.
Vivre avec un pingre qui pinaille et tergiverse dès qu’il faut allonger un bifton, c’est l’enfer. Un défaut que les femmes méprisent, au même titre que l’infidélité d’ailleurs. À l’heure des amours naissantes, les hommes ont tendance à sortir le grand jeu : fleurs, chocolat, cadeaux, resto et tout le toutim spécial séduction. Pourtant, il existe une race d’hommes frappés d’une maladie chronique : l’avarice.
« La première fois que je suis sortie avec mon petit-ami, raconte Nouara, 21 ans, étudiante, il m’a entraînée dans un salon de thé à Alger. Il fallait, en plus des boissons, consommer des pâtisseries. J’ai vu son visage blêmir, mais j’ai mis cela sur le compte de l’émotion du premier rencard. Au moment de régler l’addition, il a fait mine de farfouiller dans ses poches. En voyant qu’il tardait à sortir la monnaie, j’ai proposé de payer la note. À ma grande surprise, il s’est empressé d’accepter.
« Le même scénario s’est reproduit lors des sorties suivantes. Puis mon anniversaire est arrivé. J’ai invité quelques copines à partager mon gâteau dans une cafétéria. Il est arrivé, les mains vides, behna’ko (avec ses joues) comme on dit chez nous. Même pas une rose. Quelle enflure ! Et dire qu’il bossait, alors que moi je n’avais qu’une misérable bourse d’étudiante ».
« Ce jour d’anniversaire a sonné son glas. Je l’ai remballé sur le champ ! Je peux tout supporter chez une personne, sauf l’avarice », conclut Nouara. Ça a fait pschitt !
Noces d’argent, noces d’or, noces de diamant, noces d’étain…
Les anniversaires de mariage sont sacrés, mais assurément pas pour tout le monde.
« Pour nos dix ans de mariage, les noces d’étain comme on les appelle, j’ai dépensé une fortune pour choisir un cadeau à la hauteur de l’événement. Une montre de marque et une belle paire de chaussures qui faisait saliver mon mari depuis longtemps.
À la fin du repas, au moment d’échanger nos cadeaux, mon grigou d’époux m’a tendu un petit paquet. Je déchire fébrilement le papier fleuri en espérant découvrir un bijou. C’était une bague en toc. Ça m’a fait l’effet d’une douche froide. J’étais loin de la soirée ‘’froufrou’’ que j’avais imaginée », raconte Najat, 40 ans.
Je suis pingre et fier de l’être !
L’opulence ne rime pas automatiquement avec la générosité. Certains hommes ont des oursins dans la poche, même quand ils sont pleins aux as.
« Je soupçonne mon mari d’entretenir une maîtresse, nous révèle Khalida, 35 ans, pédiatre. Sinon comment expliquer qu’avec son gros salaire, de haut responsable dans une importante boîte privée, je ne vois jamais la couleur de son fric ! Très près de ses sous, mon Harpagon se contente de me faire le marché une fois par semaine et me laisse régler les factures et autres dépenses quotidiennes.
« L’été dernier, à l’occasion du mariage de sa sœur, je l’ai concerté pour le choix du cadeau. Il m’a tendu… 500 dinars et m’a dit de me débrouiller seule. On a eu une sérieuse prise de bec, et je l’ai menacé de ne pas assister à la fête. Il lui a fallu un effort surhumain pour concéder quelques billets. Je crois que ça l’a rendu malade. Une vraie pathologie, son avarice ! », fulmine cette jeune trentenaire.
L’avis du spécialiste : K. A-M, psychologue
L’argent est et demeure toujours un sujet tabou. Les questions de sous ont souvent tendance à nous mettre mal à l’aise. D’ailleurs, on a du mal à divulguer facilement son salaire. Le rapport que chacun entretient avec l’argent est très révélateur de ce qu’il est réellement.
L’argent suscite désir, passion, besoin de prestance, envie, rejet, culpabilité, mépris… tout un large éventail d’émotions. Les anxieux ont tendance à économiser par peur du lendemain, et les accros ont tendance à claquer inconsidérément leur argent. Les deux sont en situation de souffrance. Les deux sont dans l’excès. L’avare panique à l’idée même d’ouvrir son porte-monnaie de peur de manquer d’argent demain, et le panier percé ne conçoit la vie qu’au jour le jour.
Cela dit, il faut dissocier avarice et radinerie. L’avare épargne à l’excès, certes, mais le radin est une personne qui manque fondamentalement d’altruisme, de générosité. Un grippe-sou ! L’un comme l’autre, ils sont généralement assez mal perçus en société. L’on ne perçoit en eux que d’infinis profiteurs avec lesquels il est difficile d’établir une relation, car, les relations d’amitié ou d’amour sont des sentiments basés d’abord sur le partage, ce qui fait cruellement défaut à ce type de personnes.
Enfin, il faut se dire que l’avare tout comme le radin ont peut-être été longtemps privés de choses immatérielles, beaucoup plus importantes pour se construire, comme l’assurance et l’affection d’un nid familial douillet, d’où leur appréhension des lendemains matériellement incertains.
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