Pourquoi certains hommes algériens redoutent la levée des réserves sur la CEDAW ?

La récente levée par l’Algérie de sa réserve sur l’article 15 alinéa 4 de la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a suscité une vive polémique.

D’un côté, des voix féministes et progressistes y voient une avancée symbolique dans la reconnaissance de l’égalité des droits. De l’autre, certains hommes expriment une crainte, parfois virulente, face à ce qu’ils perçoivent comme une menace contre leur statut social et familial. Au-delà des débats politiques et juridiques, cette réaction nous dit beaucoup sur la psychologie masculine face aux changements de rôle entre les sexes.

1. La peur de perdre le contrôle

Dans la culture traditionnelle, l’homme est souvent perçu comme le « chef de famille », celui qui détient le dernier mot sur les grandes décisions : mariage, lieu de résidence, organisation de la vie quotidienne.

La CEDAW, en affirmant que la femme a les mêmes droits que l’homme pour choisir son domicile ou circuler librement, remet symboliquement en cause ce rôle de contrôle. Pour certains hommes, cela équivaut à une perte d’autorité.

2. L’héritage des représentations patriarcales

Depuis l’enfance, les garçons grandissent dans un système qui valorise la virilité et l’autorité. Voir la femme accéder aux mêmes droits suscite une forme de dissonance cognitive : l’image apprise depuis toujours (« l’homme au-dessus ») entre en contradiction avec une réalité légale qui consacre l’égalité. Cette contradiction provoque résistance, peur et parfois colère.

3. La confusion entre tradition, religion et égalité

Beaucoup de critiques assimilent la CEDAW à une tentative « d’occidentaliser » la société algérienne et d’imposer des modèles jugés incompatibles avec la culture et la religion. Cette perception amplifie les angoisses : derrière le débat sur un article juridique, c’est la peur d’un effritement de l’identité collective qui se joue.

4. L’angoisse du « pouvoir partagé »

La psychologie des rapports de domination nous montre que ceux qui ont longtemps bénéficié d’un privilège — ici, le monopole masculin sur les décisions familiales — vivent l’égalité non pas comme un rééquilibrage, mais comme une perte. Un homme qui doit négocier avec sa femme sur le choix du domicile ou sur ses déplacements peut se sentir diminué, alors qu’en réalité, il s’agit simplement d’une relation plus équilibrée.

5. Vers une redéfinition de la masculinité

La levée de la réserve sur l’article 15 alinéa 4 ne change pas directement les lois algériennes — puisque les dispositions contraires ont déjà été abrogées depuis 2005 — mais elle met en lumière un enjeu essentiel : redéfinir la masculinité dans un monde où les femmes revendiquent leur pleine autonomie.
La véritable question n’est pas : « Que va-t-il arriver si les femmes sont libres ? », mais plutôt : « Comment les hommes peuvent-ils s’épanouir dans une relation égalitaire, sans se sentir menacés ? ».