Speed dating virtuel : amour et mésaventures

-« J’adore les pieds raffinés ! Attention, pas ceux qui ont un orteil plus gros que l’autre, ou qui ne sont pas alignés comme des ‘I’. J’aime les pieds droits, aux ongles soignés, au vernis couleur arc-en-ciel ! J’imagine leur faire des choses ! Par Celia Ouabri

Il plante ses pupilles ardentes dans les miennes et me sourit. Il a un bout de feuille de laitue coincé entre les dents. Je vois bien que Cro-Magnon a envie de m’annoncer quelque chose. Il scrute attentivement mes sandales, toutes neuves, choisies pour l’occasion, et d’un œil lubrique, m’assène un tonitruant :
-« Tu as de beaux pieds, tu sais ? »

Un compliment aussi bizarre que chelou

Que répondre à cela ? Bizarre comme compliment pour un premier rendez-vous galant, non ? Je baragouine un rapide « merci » et le voilà qui enchaîne.
-« J’adore les pieds raffinés ! Attention, pas ceux qui ont un orteil plus gros que l’autre, ou qui ne sont pas alignés comme des ‘I’. J’aime les pieds droits, aux ongles soignés, au vernis couleur arc-en-ciel ! J’imagine leur faire des choses ! »

Un « date » avec un fétichiste des pieds

Et voilà, c’est bien ma veine ! Je suis face à mon premier fétichiste des pieds ! Il fallait que cela tombe sur moi. C’est le pied ! Je le regarde, désarçonnée. -« Merci pour ce compliment pour le moins inattendu ! D’où te vient cette passion pour les orteils ? » demandais-je, curieuse.
-« Bébé, je pleurnichais beaucoup. Pour un oui ou un non. Un jour à la plage, ne retrouvant pas ma
sucette égarée dans le sable, ma mère a fini par m’enfoncer son gros orteil dans la bouche. Depuis, le contact d’un pied sur mes lèvres me donne envie de… »

-« Oulah, je crois que j’en ai assez entendu ! C’est bien de garder quelques secrets pour soi et un chouia de mystère ! Je t’avoue que je n’ai plus très faim. Je préfère rentrer ».

Encore un « date » raté

Arrivée chez-moi, je décroche dare-dare le téléphone pour raconter à mon amie mon énième date foireux ! Numéro 59, NEXT ! Je n’en peux plus de ces ‘mahboul’. Il n’y a pas un pour rattraper l’autre ! J’ai eu droit au psychopathe, au mathématicien fou, au Marseillais à fort accent « fada » de sa mère et vivant encore chez elle à 38 piges, au minimaliste sans meubles, à la poupée « Ken », sorti tout droit de la télé-réalité.

Il ne manquait plus que le fétichiste ! Ah, mon Dieu, je suis servie ! J’ai l’impression que tous les hommes dont personne ne veut, même pas la poubelle, atterrissent sur les applications de rencontres. Pourtant, j’en ai testé plus d’une : Tinder, Bumble, Fruits, Meetic, Hinge… Le constat est toujours le même ! Les mecs vous pourchassent comme si vous étiez une outarde en plein Sahara mais dès lors que vous vous intéressez un tant soit peu à leur carcasse, ils vous ‘ghostent’. Démodés les pervers narcissiques ! Aujourd’hui, une nouvelle technique de manipulation a émergé : le Love Bombing.

Le Love Bombing

Pour les mieux avertis, cliquez sur Wikipédia, vous serez mis au parfum ! Entre ceux qui souhaitent uniquement vous déshabiller et ceux qui vous font miroiter la bague au doigt avant que vous ne réalisiez qu’ils vous textent uniquement à 23h, pendant le biberon du mioche qu’ils tiennent entre leurs bras, la pêche est loin d’être fructueuse ! Dans cet océan de testostérones, des milliers d’œstrogènes tentent de se frayer un chemin. La tâche s’annonce ardue dans cette forêt de vrais-faux profils.

Si j’ai opté pour des photos sobres, genre BCBG, pour mon profil, ce n’est pas le cas de mes
congénères. Cambrées telles des contorsionnistes, c’est à la nunuche qui dévoilera le plus ses formes. Des blondes, vraies et fausses, des rousses, des brunes, des décolorées, des siliconées, des Barbies, il y en a pour tous les goûts. Ces messieurs n’ont que l’embarras du choix et ne connaissent qu’un seul bouton : le swipe à droite ! À moins que la fille ne soit borgne ou édentée, tout le monde y
passe.
J’ai donc décidé d’opter pour l’option « Rapidos » comme dans l’émission américaine « Next » que je
je regardais, adolescente. À la façon d’un speed dating virtuel, je mitraille dès le premier contact afin de gagner du temps… et de préserver ma santé mentale : « Marié ? Divorcé ? Avec ou sans enfants ? En veux-tu ? Cherches-tu du sérieux ? Taille ? Emploi ? ». En quelques mois, je suis devenue une
véritable RH ! Une « chasseuse » hors pair. Je procède comme pour un recrutement professionnel, en éliminant les profils non qualifiés et en sélectionnant les meilleurs pour un entretien. J’adopte le même processus.

Signature d’un contrat de collaboration, avec une période d’essai de trois mois, renouvelable une fois. Si la personne est méritante, elle obtient le poste d’élu de mon cœur, sinon, une poignée de main et « Next ».