J’ai vécu toutes les situations que je vais partager avec vous. L’invraisemblable et l’irréel se disputent le podium. En arrivant à la banque récemment, je remarque une longue file d’attente. Personne au guichet ! Il est pourtant 11h. Trop tôt pour le ‘ftour’ de la mi-journée, trop tard pour le petit-déjeuner du matin. Je fais le pied de grue comme tout le monde en interrogeant ma montre de temps à autre. L’heure tourne. L’attitude impassible des clients m’intrigue.
Laxisme quand tu nous tiens !
Je me hasarde à poser la question à l’homme qui est juste avant moi dans la queue. « Le caissier a été prendre un café » marmonne-t-il. Ah bon ! En plein service ! On aura tout vu ! Vingt minutes plus tard, le lascar apparait enfin. Un grand sourire barre son visage. Dans une main, il tient un gobelet ‘café’, dans l’autre un croissant enveloppé dans du papier alimentaire !
La queue qui arrive jusqu’au portail à présent ne l’émeut pas plus que ça. Il s’en fiche comme de sa première chemise. Le ciel peut attendre. Le quidam se laisse choir sur son siège, étire ses ras en ‘v’, prend une goulée de ‘Karwa’ et lance : au suivant !
À la poste, j’ai eu des envies de crime
Oui. Je le dis et l’assume entièrement. Je voulais trucider la postière. Je pense que vous auriez eu les mêmes velléités d’assassinat si vous aviez été à ma place. J’avais juste un mandat à envoyer. Une affaire qui aurait dû durer cinq minutes à tout casser.
J’étais la deuxième dans la colonne quand le téléphone de la postière a sonné (sur la musique ‘Le Fric c’est chic !). Je me suis dit qu’elle allait ignorer l’appel. ‘Service’ public, elle doit avoir ça dans sa tête de linotte, tout de même ! Pensez-vous ! Non seulement, elle a décroché son portable, mais elle n’a plus voulu le poser. Scotché à l’oreille par de la superglu, le bidule technologique !
Acte de rébellion
Et vas-y que je te raconte la dispute d’hier soir avec mon mari, et vas-y que je te donne la recette du ‘Krombite’ farci glanée sur le site d’Oum Walid…. Je me suis souvenue que j’avais une ‘to do’ liste longue comme le trajet Alger-Oran qui m’attendait. La moutarde a commencé à me monter doucement au nez. La vraie moutarde de ‘Dijon’ si vous voyez ce que je veux dire.
Cette pintade volubile ne voulait toujours pas lâcher son portable. Un cri a fusé de mon gosier « Alors, on va passer la nuit ici ? ». Encouragés par mon ‘acte’ de rébellion, les autres clients m’ont emboité le pas « Wech nou hada ! » « Faites votre boulot au lieu de papoter au téléphone »… La postière a enfin posé son joujou. Visiblement, elle n’était pas contente, mais la peur d’une manifestation lui a rendu son cerveau. En quittant cette petite poste de quartier, j’ai souri. Sur le mur était collée une affiche indiquant que l’utilisation du téléphone portable était strictement interdite sur les lieux. J’ai ri jaune !
J’ai croqué des cacahuètes bien croustillantes (ma petite faiblesse en regardant ‘Black Mirror’ sur Netflix). Le plombage de ma molaire s’est fait la malle. Paniquée, j’ai téléphoné à mon dentiste pour prendre rendez-vous au plus vite.
Chez le dentiste
« Venez demain à 10h. On va arranger cela » m’a rassuré l’homme à la blouse blanche. J’ai annulé un rendez-vous de travail et je suis arrivée une demi-heure à l’avance au cabinet. Cinq personnes poirotaient déjà sur les chaises métalliques. Une femme se tenait la joue. On devinait aux cernes bleus sous ses yeux qu’elle n’avait pas fermé l’œil de la nuit.
J’ai demandé à l’assistante si le dentiste était arrivé. « Son portable est fermé. Je n’arrive pas à le joindre » répond-elle. Et elle ajoute « Ass’ebri ! Veuillez patienter ! Il y a tout ce beau monde avant vous ». J’ai rongé mon frein, saisi une revue crasseuse qui traînait sur la table basse et me suis plongée dans la lecture d’un article consacré à la reproduction des escargots. Ma dent sans plomb a commencé à me lancer.
La patiente qui tenait sa joue avec sa paume droite s’est mise à gémir de douleur. L’heure tournait. Cela faisait deux heures que je glandais dans cette salle d’attente aux murs habillés d’affiches représentant des caries dentaires. J’étais sur le point de me lever lorsque la porte s’est ouverte. Le toubib s’est encadré sur le seuil. D’un air assez désinvolte, il a murmuré : « Je suis à vous dans une seconde » ! J’ai dû poiroter encore une heure et demie avant d’avoir le privilège de m’assoir sur son fauteuil ! Ah quelle journée !
Dans notre société où le temps n’a aucune valeur, on use et abuse du temps des autres sans une once de remords. Partout, le travail tourne au ralenti. La notion de service public n’est jamais respectée. En additionnant tous les temps qu’on nous a volés, au cours de notre passage sur terre, on se retrouve avec des heures et des jours perdus ! Et, on a juste envie de crier : « Remboursez-nous notre temps, pardi ! »
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