Ce jour-là rime avec fête. La table est ornée de douceurs et de plats savoureux. L’enfant est encouragé par toute la famille. Il porte une tenue traditionnelle et se voit offrir de l’argent ou un présent. Ce rituel d’initiation varie d’une région à l’autre. L’occasion de célébrer cet événement en famille. La journée de privation a été longue, mais la fête qui attend le jeune jeûneur en culotte courte lui donne la force de résister à la faim et à la soif.
Sur le toit, pour rompre le jeûne
Dans les familles algériennes, ce rituel se transmet de génération en génération. En Kabylie, selon une ancienne coutume, les enfants étaient hissés sur le toit de la maison le temps de rompre le jeûne. La maman leur donnait un œuf accompagné d’un bout de galette au moment de l’Adhan.
Une terrasse ou une soupente pouvait remplacer le toit si celui-ci était inaccessible ou en raison d’une mauvaise météo. Symbolique : l’espoir que l’enfant devienne quelqu’un de respecté et d’important dans la société lorsqu’il deviendra adulte.
Un cadeau pour dire bravo
Dans la région des Aurès, et précisément à Batna, les familles sont attachées aux traditions. Nacéra (56 ans) se souvient de son premier Ramadan. « J’avais 7 ans quand j’ai jeûné pour la première fois. Ce jour-là, j’ai eu le privilège de manger à la table des adultes. Ma mère avait préparé mes plats préférés et m’avait vêtu de ma plus belle robe.
Une petite fête a été organisée en mon honneur durant la ‘sahra’. Ma grand-mère m’avait alors offert un Louis d’or que je garde à ce jour. Lorsque mon frère avait jeûné pour la première fois, deux ans plus tôt, il avait reçu une belle somme d’argent. Ces présents sont offerts pour encourager les enfants à accomplir le quatrième pilier de l’islam », précise Nacéra.
‘Cherbet’ et bijou en or
Du côté de Blida, au moment de la rupture du jeûne, on donne à l’enfant un verre de « cherbet » (boisson composée d’eau, cannelle, sucre et « maa zhar » – eau de fleur d’oranger). Après le ftour, une soirée est organisée en son honneur. Familles et proches sont invités à prendre le thé autour d’une table garnie de confiseries spéciales Ramadan.
À l’ouest (Tlemcen, Mascara…)
L’enfant qui jeûne pour la première fois est au centre de toutes les attentions. Le jeûneur rompt le carême avec un verre de lait dans lequel la grand-mère aura glissé une bague en or. Les petites Tlemcéniennes sont parées de leurs plus beaux atours : la « chedda », costume traditionnel emblématique de l’ancienne Pomaria.
« Mes grands-parents et mes tantes étaient venus pour partager le ftour avec nous » se remémore Ismet (48 ans). « J’avais à peine 6 ans, et mon premier jour de jeûne résonne encore en moi comme un jour magique. Ma grand-mère avait versé du lait tiède dans un verre et y a glissé un Louis d’or après l’avoir bien lavé. En attendant la rupture du jeûne, j’ai été faire un tour avec mon père dans le quartier. Les voisins m’ont félicité.
Nous sommes rentrés avec de la zalabia entre les mains, juste au moment de passer à table. J’ai été servi en premier, comme un roi. Après quelques gorgées de lait, j’ai attaqué le bol de « h’rira ». J’ai ensuite fait honneur à la bastilla et au « m’halb’i » (crème de riz) décoré de cannelle. La soirée s’est poursuivie dans l’allégresse avec la visite de mes tantes et oncles qui m’ont félicité et m’ont donné quelques billets d’argent à l’occasion de mon premier jour de jeûne. »
Takdourt, à Ghardaia
À Ghardaïa, lorsqu’une petite fille ou un garçon jeûne pour la première fois, on prépare un gâteau traditionnel appelé « Takdourt » ou « tikdourne » au pluriel. Cette friandise en forme de boulette est faite à base de semoule grillée, de dattes dénoyautées « El Ghers », d’un fromage séché « Klila », et de « Smen » (beurre). Lors de cette cérémonie d’initiation, les petits jeûneurs arborent leur plus beau costume.
De nos jours, certains de ces rituels ont été simplifiés. La date du 27e jour du Ramadan est souvent retenue pour l’initiation des enfants au jeûne. Les mamans préparent les recettes préférées de leur enfant. La famille signe ainsi ce jour mémorable qui s’inscrit dans la préservation de nos traditions et rituels.
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